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La baie du chien blanc

Cette nouvelle est basée sur des faits réels, mais c’est aux lecteurs de discerner le vrai du faux. Les légendes sont souvent inspirées de la réalité, mais avec le temps les gens qui les racontent les transforment. Je dirais plutôt qu’elles créent leurs propres vérités.

La petite auto rouge louvoie dans le chemin de terre étroit et boueux. Après deux côtes extrêmement à pic, Andrée soupire d’aise devant un enchaînement de montagnes à perte de vue, jouant à saute-de-mouton dans un ciel piqueté de petits nuages blancs et ouateux. Elle baisse le regard sur la route…

─ Non pas une autre côte, et qui tourne en plus!

Mettant le pied sur les freins, elle engage prudemment la descente et, dans la courbe, évite soigneusement une mauvaise roche juste assez grosse pour endommager le dessous de la voiture. Cela fait bien un bon deux heures qu’elle roule sur des chemins de terre pour rejoindre le lac. Elle commence à se demander si elle n’a pas pris un mauvais embranchement.

À peine dix minutes plus tard, une pancarte annonce qu’on entre sur les terres de la pourvoirie. Le terrain devient moins accidenté et elle peut enfin relaxer.

En arrivant au chalet, une vue à couper le souffle apparaît. Un immense lac miroitant sous le soleil s’étend à ses pieds.

─ C’est le paradis! Un peu trop vaste à mon goût, mais il y a un guide pour m’aider à me retrouver.

Rapidement, elle se dirige vers le chalet principal pour prendre ses clefs et commencer son repérage.

─ Bonjour, c’est vous la photographe peintre?

─ Oui. Toute une route pour venir ici.

─ Nous sommes en pleine nature ici.

─ Le lac est magnifique.

─ Un des plus beaux de la région. Voici vos clefs. Vous avez le dernier chalet sur la gauche. Tout est prêt.

─ J’aimerais bien faire un tour du lac avec vous afin d’identifier mes repères. Même si j’ai loué une petite chaloupe à moteur, j’ai tendance à tourner en rond.

─ Pas de problème, j’ai des clients qui ont loué un chalet sur l’une des îles. Ils devraient arriver d’ici une demi-heure. Je vous embarque avec eux sur mon ponton. Votre chaloupe est la verte au bout du quai. En revenant, je vous montrerai comment démarrer le moteur. Ça vous va?

─ Super, le temps de m’installer et je reviens.

Andrée remonte dans sa Toyota et se gare juste devant son chalet. Elle sort tout son attirail et constate avec ravissement que la vue sur le lac est parfaite, juste assez haute pour voir loin, avec assez d’arbres pour ne pas être aveuglée par le soleil. De plus, elle pourra bénéficier des couchers de soleil qui doivent être très beaux sur ce grand lac.

Elle retourne à pied voir le propriétaire qui fait monter à bord le dernier client sur son ponton luxueux.

─ Tout est à votre goût?

─ Parfait.

Le ponton quitte le quai, tourne à gauche et longe un petit îlot rocheux. Un des passagers à l’avant lève le bras et tous découvrent une énorme tortue qui descend le long d’une pierre plate et plonge rapidement dans l’eau.

─ Elle est énorme!

─ C’est une tortue serpentine. Même si elle est amphibie, elle passe la majeure partie de sa vie dans l’eau. Ma femme l’appelle Joséphine, elle a de la mousse sur ces écailles centrales et ma fille l’a baptisée Nessie car elle est la plus grosse tortue du lac. À vous de voir. Le lac est si grand qu’il abrite une faune variée qui va du brochet à l’ours noir.

─ En passant, mon nom est Martin et celui de ma femme, Danielle. Monsieur Tremblay, je file vers votre île et je vous débarque.

Se tournant vers Andrée.

─ Vous êtes venue pour photographier les Plongeons huards et leur crèche?

─ Oui, mais le paysage est tellement beau que j’aurai le choix.

─ Les Plongeons n’ont pas encore eu leurs petits, mais ils sont très nombreux. Il faut toujours observer le faîte des grands pins, vous pourriez y apercevoir une Pygargue.

─ Vraiment!

Le ponton accoste au quai d’une île au centre du lac, perdue dans l’immensité bleue. Les clients joyeux débarquent et les enfants courent vers le chalet en haut d’une belle plage sablonneuse.

─ Ce lac est immense! Tellement d’îles et de baies!

Le ponton s’éloigne et file lentement sur un miroir sombre.

─ Quelles sortes d’arbres on aperçoit sur les rochers là-bas, un peu tordus?

─ Ce sont des noyers. Les Autochtones les apprécient car le bois est excellent pour confectionner des arcs.

─ Il y avait des tribus ici?

─ Oui, dans le temps, on dit qu’une des îles du lac abrite un cimetière autochtone et la pourvoirie porte le nom de la Pourvoirie de la Squaw.

─ C’est vrai! C’est plus qu’un lac, c’est un monde en soi, parsemé d’îlots et de baies mystérieuses.

Au même instant, sur la cime d’un pin immense au centre du lac, un pygargue à tête blanche se pose avec majesté pour déchiqueter en sécurité le poisson qu’il vient de pêcher. Andrée, subjuguée par la beauté sauvage du rapace, ouvre de grands yeux et, saisie, cesse de respirer. En approchant silencieusement, les deux observateurs éblouis suivent des yeux le prédateur féroce qui dévore sa proie, quand deux plumes blanches se détachent de la queue pour virevolter silencieusement vers la rive rocheuse quelques 30 mètres plus bas. Martin s’approche vers l’escarpement rocheux et Andrée, sans hésitation et au risque de tomber à l’eau, saute sur la corniche la plus proche et, surprenant Martin, amorce une escalade risquée vers le renflement où l’une des deux plumes s’est posée. Victorieuse elle se retourne vers l’embarcation, la plume à la main et… chute dans l’eau… Martin rapproche le ponton et la jeune sirène refait surface, avec la plume en criant joyeusement!

─ Je l’ai!

─ Doucement… j’approche le plus possible… donnez- moi votre main… Ouf!

Mouillée de la tête aux pieds, la jeune fille, assise sur la passerelle, se secoue et rit de sa mésaventure, tandis que Martin, découragé de l’audace de sa cliente, la recouvre d’une serviette.

─ Mais… vous auriez pu vous blesser… vous noyer… vous n’aviez même pas mis votre ceinture de sauvetage…

─ Je m’excuse, j’aurais dû l’enfiler, mais je nage comme un poisson et je fais de l’escalade, alors je n’allais tout de même pas laisser cette plume sur les rochers. C’est un vrai miracle, jamais je n’aurai une autre chance comme celle-là.

Abasourdi, Martin secoue la tête…

─ Ne me refaite jamais un autre coup comme celui-là… Vous aviez pourtant l’air d’une fille de la ville timide…

─ Une fille de la ville oui… mais j’aime l’aventure et je suis en forme.

Au-dessus d’eux, l’oiseau immense s’envole et disparaît rapidement.

─ C’est un présage, j’en suis sûre. Je me prédis des photos fantastiques.

L’embarcation accoste au quai et Andrée, frissonnante, court vers son chalet où, après une bonne douche chaude, elle met ses vêtements à sécher sur les meubles du petit patio devant le lac.

─ Heureusement, j’avais ma montre étanche et mes sandales d’escalade… mais une plume d’aigle à tête blanche… je suis encore sous le choc.

Satisfaite, elle retourne à l’intérieur pour se mijoter un repas bien mérité et préparer tout son matériel photographique. La lumière de midi ne convient pas et, après un bon souper, elle sera d’attaque pour amorcer son safari photo. Elle est impatiente de se lancer à la poursuite des oiseaux.

Les ombres s’allongent déjà quand elle quitte le chalet pour s’installer dans sa chaloupe.

Martin la rejoint pour lui montrer comment démarrer son moteur et s’assurer qu’elle a bien mis sa ceinture.

─ Pas de folie!

─ Non, non, aujourd’hui je sors pour trouver mes repères. Merci.

La barque glisse lentement sur le lac qui brille de mille feux sous une lumière parfaite. Le vent du large est frais et l’aventure commence.

Le calme règne et, seule, elle rêve des surprises qui l’attendent. Tout l’attire, les paysages, les îles, les rochers et les réflexions. Elle s’immobilise, saisit ses longues-vues et, satisfaite, aperçoit un regroupement d’oiseaux et, toute joyeuse, entend le trémolo caractéristique. Elle part rapidement dans cette direction. Plus elle avance et plus elle remarque de nombreux attroupements. Bientôt au centre de l’action, elle éteint le moteur, attend et comme les différents attroupements sont à portée de son zoom, elle aura sans doute des clichés intéressants. Elle mitraille dans toutes les directions. La chasse aux images a débuté. Une heure plus tard, la photographe, à l’instar du chasseur, est à la poursuite de trophées. L’adrénaline de la chasse aux images est une drogue puissante qui lui fait tout oublier. Son univers se limite au cadrage de son zoom, elle suit les plaintes modulées qu’on entend de loin sur l’eau. Comparables aux chants envoûtant des sirènes, ces appels l’attirent inexorablement vers le large. Elle a perdu ses repères et se dirige au son. Sur la grève d’une île, elle identifie une femelle au collier émeraude qui couve sur son nid au sol dans une simple dépression. Elle reste au large pour ne pas effaroucher l’oiseau et, toute émue, murmure en prenant plusieurs photos.

─ Je t’appellerai Sacajawa « l’oiseau qui plonge » car tu es ma première femelle.

L’esquif a dérivé et elle entend des ploufs sonores sur sa gauche, deux mâles se battent violemment juste à l’entrée d’une petite baie, entourés par un important attroupement d’oiseaux.

Elle fonce vers la baie. À son arrivée, elle coupe de nouveau les moteurs et dénombre environ une trentaine d’individus. Elle prend des clichés classiques d’individus en mettant l’accent sur ceux dont elle peut faire ressortir les motifs en damier sur le dos, et qui tiennent leur bec bien droit à l’horizontal.

Plus elle avance, plus elle constate qu’il y a un nombre impressionnant de plongeons car il y a autant d’action sous l’eau que sur la surface. Leur balai est envoûtant. Andrée mitraille la surface pour saisir la beauté, l’agilité et la complexité de ce ballet aquatique. Soudain, un grincement suivi d’un boom l’avertit qu’elle vient de heurter un objet. La chaloupe est coincée entre les branches de plusieurs arbres qui sont tombés. Le tirant d’eau est très bas à cet endroit et son embarcation est prise en serre. Andrée saute à l’eau et tente de la pousser vers le large, mais ne fait qu’aggraver la situation en enfonçant le devant.

─ Je ne vais pas pouvoir sortir d’ici toute seule.

Les oiseaux nagent autour d’elle à une vitesse effrénée et, soudain apeurée, elle remonte à bord. Elle fouille pour trouver le pistolet à fusées éclairantes. En vain, il n’y a rien sous le banc.

─ J’ignore où je suis. Mieux vaut rester sur place. Dans cette baie, avec le peu d’eau sous la coque, je ne risque pas de renverser. Je pourrais dormir ici, j’ai mon polar et la ceinture de sécurité fait un bon oreiller. Serrons la caméra dans son étui étanche et essayons de rester calme.

Assise au milieu des arbres morts, elle contemple son environnement immédiat. Les oiseaux quittent un à un la baie et un petit rire hystérique ajoute une note sombre au tableau déjà inquiétant. Pour se donner contenance, elle ressort sa caméra et, attirée par un reflet argenté, elle aperçoit un gros tuyau en métal gris adossé à la paroi rocheuse.

─ Une cage à ours! Merde! Il y a des ours ici! Ça change tout! J’ai un câble, même si je ne peux pas fermer la cage, je peux m’assurer que la porte ne s’ouvre pas.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, le vent se lève et au loin on entend le tonnerre. En tournant sur elle-même, elle constate avec émerveillement que le plan d’eau est devenu lisse et que le reflet des arbres dans l’eau offre des formes surprenantes. Hypnotisée par la beauté du spectacle, elle prend en rafale l’ensemble et réussit à saisir sur sa pellicule la perfection de la symétrie entre le réel et les reflets.

L’horizon se voile, des nuages noirs apparaissent et toute la nature silencieuse retient  son souffle avant que l’orage n’éclate. L’air est chargé d’électricité, et le jeu de lumière inspire la photographe qui balaie la falaise pour découvrir une image inédite. Soudain, son regard est attiré par la forme d’un ours. Intriguée, elle ajuste son appareil pour obtenir un gros plan de l’image pour constater que le dessin entrevu est constitué d’aiguilles de pin sèches déposées par le vent dans les anfractuosités de la pierre. Charmée par l’originalité de ce dessin rupestre, elle le prend en photo pour immortaliser ce moment exceptionnel de symbiose avec la nature. Dans moins d’une demi-heure, la tempête aura balayé ce chef- d’œuvre.

 Elle remet la caméra dans son étui et tout son bagage dans son sac à dos.

─ Plus le choix, il faut que je m’abrite dans cette cage le plus rapidement possible.

Elle replonge dans l’eau, se fraie un chemin à travers les nombreuses branches tout en  évitant de se blesser et, épuisée, se hisse enfin sur la rive. La paroi rocheuse se dresse devant elle.

─ Tu es capable, trouve les meilleurs points d’appui. Il faut arriver en haut avant la pluie.

Concentrée et décidée, elle commence l’ascension. Au moment où elle atteint la plateforme au même niveau que l’abri, la pluie commence à tomber et de nombreux éclairs strient le ciel. Elle arrive à la cage toute trempée, ouvre la grille, chasse un écureuil et avec une branche de sapin balaie les fientes et les insectes qui ont trouvé refuge dans cet abris de fortune.

Le ciel se déchaîne et Andrée se bouche les oreilles. Après avoir passé une demi-heure en boule au fonds du tube, elle se lève lentement, installe le câble pour s’assurer que la porte n’ouvrira plus. Elle enlève ses vêtements mouillés, sort son polar du sac à dos, l’enfile, se couche sur le gilet de sauvetage en appuyant sa tête sur le sac à dos. Épuisée, elle s’endort rapidement.

À la pourvoirie, Martin constate que la chaloupe n’est pas là. Il vérifie au chalet, pour voir si la cliente est revenue.

─ Merde! Ils annoncent du mauvais temps pour toute la nuit. Elle va passer la nuit dehors!

Un grognement sourd la tire de son sommeil. Dehors, la pluie tombe moins fort, mais…

─ Un ours!

Elle se recroqueville au fond du tube en tremblant. L’ours essaie d’ouvrir la porte, mais le câble tient bon. En regardant l’ours, elle s’aperçoit qu’il est plus ennuyé qu’agressif et que dans les circonstances, elle est chanceuse d’être dans la cage. Voyant qu’il ne réussit pas à ouvrir l’abri et qu’il y a une odeur étrange qui flotte dans l’air, il s’éloigne rapidement.

Soulagée, Andrée se presse contre la paroi du fond et ne tarde pas à s’assoupir de nouveau.

Au matin, le soleil brille et l’orage n’est plus qu’un mauvais souvenir. Toute courbaturée, la jeune fille observe et écoute attentivement avant de sortir. Une fois dehors, elle se rhabille et retourne voir la chaloupe. Désolation, elle est remplie d’eau et toujours coincée. Pour essayer de voir plus loin, elle gravit la montagne d’où elle aura une vue panoramique sur le lac. Une fois en haut, elle doit se rendre à l’évidence : le rivage accidenté lui bouche la vue.

Elle entend un bruit derrière elle, et croyant l’ours revenu, elle court vers un sentier longeant le lac, mais un jappement l’arrête sec. Elle se retourne pour apercevoir un gros chien blanc avec la queue en l’air, les pattes avancées et le regard enjoué.

─ Tu veux jouer? Où est ton maître? Où est ta maison?

Le chien est trop propre pour être sauvage. Et son maître ne doit pas être loin. Elle est sauvée!

Le chien s’engage dans le sentier et se retourne comme pour l’inviter à le suivre.

─ Tu parles si je vais te suivre! Je ne te lâche pas de vue.

Le chien trotte et Andrée le suit. Il retourne à la maison et qui dit maison dit civilisation. Après deux heures de marche dans les bois, le chien traverse un chemin de terre au grand bonheur de notre de notre photographe épuisée. Une heure de marche plus tard, ils arrivent à une route asphaltée et, en tournant en haut d’une côte, elle aperçoit enfin une maison et une auto. Elle court et cogne à la porte d’entrée!

Une jeune femme ouvre. Elle lui explique la situation et si elle peut téléphoner. Après avoir rassuré Martin, elle ressort pour remercier son sauveur. Il n’y a pas de chien nulle part, il s’est évanoui dans la nature.

─ Avez-vous vu le chien qui était avec moi tout à l’heure?

─ Vous étiez seule, Madame.

Silence. Elle n’insiste pas, car dans l’état où elle est… affolée, sale et nerveuse, elle va paraître plutôt folle.

Lorsque Martin la ramène dans son camion et qu’elle lui raconte son histoire, il ne dit rien.

─ Tu ne me crois pas?

─ Je te crois. On appelle cette baie, la baie du chien blanc. Il y a même un chasseur qui nous a raconté avoir été sauvé par un chien blanc lors d’une confrontation avec un ours noir.

─ Tu as des caméras là-bas près de la cage?

─ Oui.

─ Tu as déjà filmé un chien blanc?

─ Malheureusement oui, mais personne ne l’a jamais vu ou rencontré.

─ Tu es sérieux?

─ Comme ce chien vient en aide aux gens, il n’y a pas lieu de s’alarmer! Et tu n’oublieras jamais ton séjour, pas vrai.

─ Jamais!

─ Selon la tradition amérindienne, les animaux blancs sont sacrés, ils protègent les humains.

─ Je n’aurais jamais retrouvé mon chemin Martin, j’ai réellement suivi un chien! Ou un esprit protecteur…

4 Commentaire

  • Josée Dombrowski
    mars 14, 2021 at 3:42

    Merci Blanche pour de beaux moments de lecture.

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  • Francine
    mars 14, 2021 at 8:07

    J’aime beaucoup ce texte car il parle de la passion et du pouvoir de la vie!
    Bravo Blanche! Encore une fois un texte touchant.

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  • Lynne
    mars 15, 2021 at 8:58

    Je respecte la légende et fait confiance à l’intelligence de l’esprit. Il faudra en reparler! Merci pour ce beau moment de divertissement!

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  • Lysette Brochu
    avril 15, 2021 at 8:29

    Cette peinture m’a complètement séduite. Je suis « en amour » avec ce chien blanc et le rouge du fond… Et ta légende est vivante, très dynamique. Récit d’aventure bien mené. Félicitations!!!

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