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Une nouvelle inventée de toutes pièces à partir de souvenirs d’adolescence. Nous portons toutes un masque pour nous protéger de la méchanceté de notre entourage.

À toutes celles qui n’ont pas encore trouvé de garçon pour les accompagner au bal… C’est mieux pour nous, on n’aime pas côtoyer les loosers!

Assise en tailleur sur son lit, une jeune fille soupire en lisant le dernier texto sur son cellulaire.

Encore un message des trois garces qui la harcèlent depuis le début de l’année scolaire. Toujours des commentaires méprisants, anonymes, qui semblent s’adresser à tout le monde, mais qui en réalité visent une douzaine de personnes dont elle fait partie.

Dégoûtée, elle se lève, traverse le corridor et entre dans la salle de bain, enlève ses lunettes, prend le tube de masque et couvre son visage d’une nouvelle peau qui camoufle sa vulnérabilité, anesthésie son mal de vivre et le drame quotidien du paraître et de l’être. Elle termine le travail en peignant son cou et sa gorge au pinceau. Comme les super-héros du grand écran, elle se réfugie derrière un masque pour cacher au monde entier son angoisse qui, à chaque texto haineux, monte à dix sur l’échelle Richter. Sa vie est sans issue, chaque jour est un labyrinthe sans fin et le contact avec l’extérieur demeure difficile pour ne pas dire presque impossible.

Elle se fait deux lulus, où elle accroche des perles, des chaînes et des rubans pour encadrer de couleurs son regard noir où dansent des milliers d’éclairs sombres, couvre ses lèvres de son baume aux cerises et attend que l’irruption volcanique passe.

Lorsque, enfin, les nuages se dispersent pour laisser paraître l’or et l’ocre de ses pupilles, elle lave lentement le masque de boue et retire les colifichets de sa chevelure.

Sa vie si simple lui semble très complexe, qu’elle la regarde du dedans ou du dehors. Debout devant le miroir, lorsque son regard se mouille et que l’orage menace, elle plonge sa main dans le tiroir sous le lavabo, prend un gros Band-Aid à l’effigie de la guerre des étoiles et se le colle sur la bouche pour museler ses torrents intérieurs. Toutes ses journées sont comme des montagnes russes et personne ne semble comprendre qu’elle se lève dans une chambre de fillette, travaille dans des laboratoires de biologie et de chimie en avant-midi, ouvre son casier qui pue parce qu’elle a oublié son sandwich au fromage de la veille, court après son souffle en après-midi dans un gymnase où les dieux du culte du corps s’affirment avec nonchalance, et, finalement, se fait bousculer par les groupes qui courent dans toutes les directions pour déboucher dans une cour polluée par les mobylettes, les autobus et les bouchons des automobiles en marche des parents qui attendent leur progéniture.

 Enfin calmée, elle retire le diachylon et regagne sa chambre. Elle efface le message, met son cellulaire dans la poche arrière de son jean, ajuste ses lunettes et descend les marches. Au moment où elle passe devant la porte d’entrée, le carillon sonne.

Elle ouvre… Un jeune homme aux cheveux noirs bouclés et aux yeux bleus lui sourit…

─ Salut cousine… Tu me reconnais?

─ Pas vraiment?… Cousine?… Non! Antonio? Le petit noiraud toujours à jouer dans les autos!

─  Noiraud! Tu exagères! J’ai embelli, tu ne trouves pas?

─ Je ne t’aurais jamais reconnu!

La mère de Laurence qui vient répondre à la porte :

─ Antonio! Bienvenue, où as-tu mis tes bagages?

─ Tu savais qu’il venait à la maison?

─ Oui, j’ai oublié de te le dire, il va vivre avec nous pour deux mois. Il suit un atelier de formation en ville.

─ J’ai laissé mes affaires dans l’allée. Tu m’aides, cousine? Attends… si je me souviens bien, il y a de la place dans le fond du grand garage. J’ai apporté ma guitare électrique et mes deux emplis. La porte de côté est toujours ouverte?

─ Tu joues de la musique?

─ Oui avec des copains, je fais partie d’un groupe. Tu sais que tu es devenue très chouette, tu as les yeux de tante Angelina. Elle a toujours été ma préférée…J’arrive à un mauvais moment?

─ Non… mais les choses ne vont pas comme je le voudrais.

─ Je m’installe et on se retrouve dans le garage dans une demi-heure?

Surprise qu’un plus vieux qu’elle s’intéresse à ses déboires, elle hoche la tête.

Une demi-heure plus tard, le cousin, une bière à la main et une cigarette dans l’autre sourit lorsque Laurence pénètre à nouveau dans le garage.

─ Tu as vraiement changé, cousin… Tu es… différent.

─ Je sais… c’est Claudia qui a tout chambardé. Je m’en allais dans le mur… et elle m’a remis sur la route tout en me respectant!

─ Claudia? C’est ta copine?

─ Oui, mon ange! Alors, tu me racontes?

─ Le bal est dans deux semaines, je n’ai personne pour m’accompagner, pas de robe, trois emmerdeuses qui me harcèlent sur le net et en plus, des boutons qui me sortent de partout! Ma vie est fichue! Tout va mal!

─ Mais tu m’as, cousine!

─ Tu as déjà une copine!

─ La famille, c’est sacrée, si tu veux de moi, je t’accompagne. Personne ne sait que je suis ton cousin. Tu ne me trouves pas séduisant? En plus, tes parents seront rassurés et tu pourras rester plus tard. Je suis la solution idéale et probablement le plus beau gars du bal!

─ Claudia ne sera pas contente!

─ Claudia? Je l’appelle!

─ Non, NON!

Il saisit son cellulaire

─ Salut ma belle! Imagine-toi que ma cousine n’a pas de cavalier et pas de robe pour son bal. Je peux l’accompagner mais pour la robe, les cheveux et tout le tralala, j’ai besoin de ton aide… Tu arrives demain matin. L’adresse est 800, rue du Désert. Je t’attends!

Il remet son cellulaire dans sa poche de jean et se retourne les yeux pétillants.

─ Elle a des courses à faire en ville. Elle sera ici demain matin vers neuf heures. Elle t’emmènera magasiner dans les friperies et comme c’est la meilleure coiffeuse en ville, elle va te métamorphoser et te donner des trucs pour le maquillage. Tu devrais aller voir ta mère pour lui annoncer la nouvelle et savoir quel budget elle t’accorde. Claudia est la reine des aubaines. Tu vas voir, elle est capable de dénicher une robe merveilleuse à un prix ridicule. Elle coiffe toutes les femmes de la famille. Elle est gérante d’un gros salon de beauté et son rêve est de devenir propriétaire d’une chaîne de salons. Demain, Claudia va tout arranger.

─ Je suis difficile, tu sais.

─ Claudia est une magicienne!

─ Ah! Vous êtes là, les jeunes.

─ Tante Angélina, ma copine Claudia descend en ville demain matin et elle s’est offerte pour trouver une robe à Laurence. Elle peut aussi la coiffer et la maquiller.

─ La Claudia que ta mère vante tout le temps?

─ Celle-là.

─ Comme je connais ta mère, si elle a réussi à la satisfaire, je capitule. Laurence, tu peux aller magasiner avec elle. Je te remettrai de l’argent demain matin. J’espère que vous ne me décevrez pas.

Laurence, surprise de la réaction de sa mère, sourit, incrédule, et tout le monde entre souper.

Le lendemain, Claudia se présente à la porte avant avec tout son matériel qu’elle dépose sur la table de la cuisine.

─ Je sais… cela peut sembler exagéré, mais je préfère en apporter plus que de manquer mon coup parce que je n’ai pas voulu transporter un sac ou deux de plus. Je t’emmène dans l’une des meilleures friperies de la ville, il y a des vêtements de seconde main qui proviennent des meilleures clientes. Madame Pelletier, en soirée je vous coifferai en même temps que Laurence.

Les deux jeunes femmes quittent la résidence et le conducteur de Claudia les dépose devant un large entrepôt où Claudia sonne à une petite porte en retrait. Après s’être identifiée, la porte s’ouvre et les nouvelles complices entrent. Laurence, médusée devant les centaines de portes vêtements qui sont enlignés à l’infini devant elle, n’ose pas bouger.

─ Tu fais un trois ou un quatre?

─ Un trois.

─ Tu veux une robe longue ou courte?

─ Courte.

─ Couleurs, tissus?

─ Bleus ou violets, dentelle?

─ Manches?

─ Oui.

─ Suis-moi.

Après avoir zigzagué pendant plusieurs minutes entre les longues allées, Claudia s’arrête devant un support indiquant la bonne grandeur où de très belles robes y sont alignées. Laurence les regarde une à une et se retourne.

─ Elles sont toutes belles, je n’arriverai jamais à en choisir une.

Soudain, une dame arrive à leur hauteur.

─ Claudia!

─ Bonjour Claudette. Tu tombes à pic. Cette charmante jeune fille a besoin d’une robe cocktail pour son bal.

─ Suis-moi, je viens de recevoir un arrivage exceptionnel. Je dirais un trois? Oui, manche? Oui, couleurs? Bleus ou violets.

Elle s’arrête devant une boîte et sort deux robes fabuleuses.

Laurence timide…

─ J’ai un budget à respecter…

─ Cent dollars chacune ça va?

Laurence qui ouvre de grands yeux…

─ À ce prix, je la prends!

─ Essaie-la d’abord. Les cabines sont dans le fond à droite.

Le groupe s’arrête devant une rangée de 20 cabines d’essayage. Laurence et Claudia essaient leur robe respective. Laurence ressort la première en tournant sur elle-même plusieurs fois.

─ Si toutes mes clientes étaient aussi jolies, je serais au paradis. J’ai des sacs de soirée à 20 $ pièce, cela vous intéresse?

─ Oui, s’exclame Claudia en sortant de sa cabine.

─ Cette robe me va comme un gant! Je la prends!

Laurence, subjuguée par le lieu, décide d’explorer plus en profondeur cette caverne d’Ali Baba pour adolescente. En déambulant, elle aperçoit au fond une rangée d’armoires vitrées qui contiennent des accessoires tout aussi magiques les uns que les autres. Elle s’immobilise devant une porte en laque exposant des masques et des parfumeuses. Son regard est attiré par un masque vénitien doré surmonté de plumes multicolores. Claudia, amusée, lui demande :

─ Tu as déjà essayé un masque en porcelaine?

─ Non.

─ Claudette! Tu peux nous ouvrir cette armoire?

─ Tout de suite. Quel objet vous intéresse?

─ Le masque doré sur la deuxième tablette.

─ C’est une cliente italienne qui nous l’a vendu. Elle va au carnaval de Venise tous les ans. Toute la tablette provient de cette noceuse.

En attachant le ruban, Laurence ressent un sentiment de sécurité et pense qu’en mettant ce masque, elle devient une princesse dont l’identité ne peut être que romantique comme dans les contes de son enfance.

─ Si tu le veux, je te l’offre? Je peux le prendre sur mon compte de troc?

─ Avec plaisir!

Après avoir acheté les robes, les sacs et le masque, les nouvelles amies sortent de l’entrepôt.

─ Pour les souliers, les accessoires, les ongles et le maquillage, j’ai apporté chez toi tout ce dont nous allons avoir besoin.

Laurence appelle son père qui les ramène au domicile.

─ Déjà de retour! J’ai hâte de voir!

Laurence, mystérieuse et mutine, garde le sac fermé et s’enferme dans la salle de bain pour enfiler sa robe. Devant la glace, elle panique!

─ Qu’est-ce que tu as pensé? Avec tes lunettes, tes cheveux filasse et ton acné, tu vas être la risée de la soirée! La robe ne fera pas illusion. Tout le monde ne va voir que tes lunettes!

─ Ça va, ma chérie?

─ Oui, oui.

─ Sors qu’on te voit, tu étais géniale là-bas.

─ Ton père et moi, nous avons une surprise pour toi.

─ Dans la salle de bain, Laurence ôte ses lunettes et met le masque.

Elle sort en posant pour se rassurer.

Son père lui présente une petite boîte.

─ C’est ce que je pense?

─ Oui, tu peux retirer le masque! Va les essayer, on a encore le temps de les modifier si quelque chose cloche.

Laurence retourne dans la salle de bain, retire le masque et met ses nouvelles lentilles. En se mirant dans le miroir, elle sourit avec émotion à cette transformation tant espérée. Elles sont confortables et sa vision est meilleure qu’avec ses lunettes. Elle ressort et se jette dans les bras de sa mère.

─ Elles te vont?

─ Elles sont parfaites. Avec la robe et ton maquillage, je vais être la plus belle pour aller danser! Elle tourne sur elle-même en riant de contentement.

Les parents sont stupéfaits!

─ Cette robe respecte le budget?

─ Non seulement elle le respecte, mais j’ai aussi pu acheter un sac et le masque!

─ J’ai des contacts! Je coiffe et maquille leur clientèle contre des prix très réduits sur toute la marchandise.

Les deux parents se regardent et haussent les épaules.

─ Sans lunettes, coiffée et maquillée tu vas être magnifique!

─ J’ai l’impression d’être Cendrillon qui se rend au bal!

─ Sauf que dans ton cas, la robe sera toujours à toi après minuit et que tu es accompagnée par ton prince et pas n’importe qui! Le mien!

On klaxonne dehors et Claudia court rejoindre Antonio qui l’attend devant la maison dans une Mustang rouge décapotable.

─ Tu aurais du voir l’entrepôt! Le rêve, la vendeuse m’a même complimentée! Tu te rends compte?

─ Je crois surtout que la visite d’Antonio est un vrai miracle! Sers ta robe et ton sac, il ne faudrait pas que le chien ou un de tes frères la salissent ou la mâchouille.

Laurence marche sur des nuages, vole vers sa chambre et, couchée sur son lit s’apprête à téléphoner à sa meilleure amie, lorsqu’elle reçoit un texto.

Laurence ferme les yeux, efface le nouveau message et donne des coups de poing frénétiques sur le lit en agitant les jambes dans tous les sens.

─ J’en ai assez! Assez! ASSEZ!

Soudain, elle sent une présence… Elle se retourne et aperçoit Antonio accoté sur l’encadrement de la porte qui la regarde…

─ Tu n’es pas avec Claudia?

─ Elle vient de recevoir un appel d’une cliente, et elle est revenue prendre sa mallette et je l’ai conduite là-bas avant de revenir. Elle sera de retour pour le souper.

─ Elle se rend chez les clients sur appel?

─ Pour certaines clientes, oui. Celle-ci est en chimiothérapie et Claudia se rend sur place pour ces clientes malades, même à l’hôpital. Elle m’a souvent dit que les soins de beauté sont comme une cure miracle pour beaucoup de femmes malades ou en dépression et qu’elle se voit souvent comme un médecin de brousse. Pour elle, la solidarité féminine est plus qu’un concept, c’est une réalité quotidienne qu’elle prend très au sérieux.

─ Plus tu me parles de Claudia et plus je l’aime…

─ Encore un texto haineux?

─ Oui…

─ Tu te souviens du vieux garagiste propriétaire du Texaco au coin de la rue?

─ Oui, celui avec les cheveux longs qui chevauchait une Harley Davidson rutilante.

─ Eh bien quand je me sentais seul, j’allais le voir. Il m’offrait une orangeade et, assis sur les vieux pneus derrière le garage, nous parlions. Ma passion pour la mécanique a commencé avec lui et il m’a expliqué que les relations humaines ne pouvaient jamais être harmonieuses si on ignorait la chose la plus importante.

─ Une seule?

─ Une seule! La nature profonde des gens. Tes trois tortionnaires, les as-tu seulement observées sous un angle différent? La meneuse, qui veut que tous l’admirent, as-tu pensé à tout le travail qu’elle s’impose avant de sortir de chez elle? Au vide qu’elle engendre autour d’elle et au sentiment d’insatisfaction perpétuel qui l’habite.

─ Elle… elle… ne rit jamais, elle est toujours en train de jauger, d’analyser ou de se comparer aux autres…

─ Tu aimerais être elle?

─ À bien y penser… non… tu as raison…

─ La seconde… Elle est jalouse de tout le monde, elle veut tout ce que les autres ont, elle se tient avec les deux autres parce qu’elles sont plus riches et lui donnent l’impression de l’être.

─ Toute sa vie, elle sera jalouse et insatisfaite… Ça t’intéresse?

─ Non?

Laurence, interdite, lève la main vers son cousin pour interrompre la conversation. Elle réfléchit intensément. L’image qu’elle se faisait des trois chipies se transforme lentement. Elle n’est plus en colère, vulnérable, à sa grande stupéfaction… elle éprouve de la pitié…

Nouveau texto.

Laurence éclate de rire et regarde son cousin avec beaucoup de tendresse. Elle met ses lunettes sur le bout de son nez pour mieux fixer son cousin.

─ La nature profonde? Il ne faut pas avoir grand-chose à faire pour envoyer des textos stupides sur mes lunettes, je dirais qu’elles font une fixation sur mes lunettes!

─ Il est plus difficile de mépriser quelqu’un qui s’aime et s’apprécie. Tu es jolie, mieux tu as du style. Des jeunes filles mignonnes il en pleut, mais une fille originale qui a une tête sur les épaules, du cœur au ventre et des valeurs, c’est très rare. Chaque nouvelle personne que tu rencontreras aura une nature profonde que l’on ne peut pas changer, alors il faut juste bien comprendre qui aura de l’influence sur ta vie. Ces mégères ne méritent pas ton attention, sors-les de ta vie. Chaque fois, que tu ne sauras pas quoi penser d’une personne, découvre sa nature profonde et tu sauras si tu autorises cette personne à partager ta vie. Un homme violent ne changera pas, un menteur restera toujours un menteur, un avaricieux ne deviendra jamais généreux, alors pourquoi perdre son temps avec des gens qui n’en valent pas la peine?

─ Tu sais que tu es tout un numéro! Je vais m’amuser au bal!

─ Pour te faire oublier tous tes malheurs, qu’est-ce que tu dirais si on organisait une petite sauterie dans le garage après le bal avec mon groupe? J’en parle à tes parents?

─ Ça, ce serait le Nirvana! Tu es sérieux?

─ Tout à fait. Quand ta mère sera coiffée et maquillée, je lui ferai ma proposition.

─ Je vais commencer à me méfier! Tu es machiavélique!

─ C’est ce qui fait mon charme!

Après le souper, les femmes transforment la cuisine en salon de beauté et les hommes regardent la télé au salon. Après deux longues heures, Laurence apparait toute timide au bras de sa mère.

─ Les deux plus belles femmes de la ville!

Les deux frères de Laurence, la bouche ouverte, restent sans mot.

─ On dirait que vous nous voyez pour la première fois!

─ Ma petite fille est devenue une jeune femme…

─ Tante Angélina, que dirais-tu si mon groupe venait jouer dans le garage après le bal?

Les deux parents se regardent, les deux frères espèrent en silence et Angélina tranche en disant :

J’aime l’idée de savoir où est ma fille et pouvoir intervenir s’il y a du grabuge.

─ Pour le grabuge, on a Paulo, l’armoire à glace de la famille.

─ Je ferai un punch, un goûter léger et nous serons invisibles toute la soirée, cela te va?

Laurence, dont les yeux brillent de milles feux, sautille sur place.

─ Est-ce que tu veux toujours mettre un masque pour aller au bal?

─ Je ne veux plus être incognito, je veux être Laurence la magnifique, celle qui sort de son cocon pour déployer ses ailes. Du moins pour ce soir.

Tout le monde rit.

Ce soir-là, Laurence se couche sereine. Après avoir remisé sa nouvelle robe, elle place le masque sur la tablette anciennement consacrée aux peluches qu’elle dépose dans le coffre au pied de son lit.

Pour ses attaques d’angoisse, ce masque est beaucoup mieux que de la boue de couleurs. Une cage dorée, un emballage de luxe ne peut cacher qu’un objet précieux, de qualité. Seule une princesse ou une femme d’exception peut se cacher sous cette parure. Un accessoire magique pour une jeune fée. Peu importe les défis qui l’attendent, elle est désormais la Vénitienne au regard doré qui surmonte toutes les épreuves. Alors qu’elle s’était levée Laurence la complexée, elle se couche Laurence la combattante, l’avenir lui appartient.

 Avant d’éteindre, elle murmure,

─ La nature profonde… Chaque fois que je rencontrerai une nouvelle personne je découvrirai sa nature profonde, je ne perdrai pas de temps à vouloir la changer, je mettrai le masque et déciderai si je reste incognito ou si je permets à ce nouveau venu d’entrer dans ma vie.

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