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Une nouvelle sur l’amitié masculine dans le cadre d’un week-end de pêche et de chasse.

Les deux braques lèvent la tête avec synchronisme, les oreilles levées, le regard doré intense, prêts à bondir. Alerté, l’homme assis sur la grande galerie du chalet, pose sa pipe dans le cendrier en se penchant pour mieux scruter le brouillard matinal sur la rivière. Émergeant lentement, une grosse barque apparaît tel un navire fantôme. Les chiens, debout en arrêt, jappent bruyamment et l’homme, assis à la proue, se lève en criant :

─ Sky, Tonnerre couchés! Thomas, c’est nous, on est en avance! Dis aux chiens de se calmer et retiens Sky avant qu’elle ne me lèche jusqu’au trognon.

L’homme descend les marches, rejoint les chiens et, sans dire un mot, leur indique par signes de s’immobiliser sans bruit. Instantanément, le silence se fait et les deux bêtes fébriles se couchent avec élégance.

La barque lourdement chargée accoste au quai et trois hommes en descendent en se secouant les jambes et les bras pour se dégourdir. Le premier, un grand six pieds tout en muscles, le vieux feutre enfoncé, les jeans usés et les bottes lassées à la va-vite sourit en avançant rapidement vers les chiens qui surveillent anxieusement leur maître. Celui-ci immobile, encore plus imposant que le nouveau venu, ouvre les bras en riant affectueusement. Le colosse à l’épaisse crinière avance en faisant signe aux chiens de ne pas bouger.

─ Salut mon vieux, content de te voir.

Les deux cousins se donnent une accolade chaleureuse, tandis que les deux autres passagers s’avancent pour saluer leur hôte.

─ Alors, comment vont mes Snowbirds favoris? Toujours content de vous accueillir sur mon île. De vrais gars de la ville, vous deux, toujours tirés à quatre épingles.

─ On peut sortir un gars de la ville, mais pas la ville d’un gars élevé sur le macadam. Par contre, je ne manquerais pas nos week-ends saisonniers pour tout l’or du monde. Une île au bout du monde, du poisson, des canards et des oies en masse, de la bouffe de qualité, du poker enfumé au cigare et du scotch à volonté en bonne compagnie! Le paradis sur terre!

─ Sacré Gilles c’est pour ça qu’on t’aime! Et aussi… pour tes cigares cubains et ton scotch V.S.O.P.

─ J’ai besoin d’oxygène, les gars, et pas à peu près. J’ai finalement obtenu mon divorce il y a deux semaines. J’ai besoin de me lâcher lousse, ça presse.

─ Enfin! Alléluia! Cruella va disparaître de ta vie. C’est un miracle.

Les trois gars rigolent aux dépends de leur ami à la mine déconfite qui finit par admettre que ses chums de longue date ont raison.

Le patriarche de l’île regarde le troisième comparse et ajoute en interrogeant les autres du regard.

─ Tu me sembles taciturne? Un souci? J’espère que cela ne va pas affecter le cordon-bleu, j’ai tout acheté les ingrédients de ta liste, j’ai même été pêché des truites, histoire que tu nous mettes dans l’ambiance en fin d’après-midi.

─ Pas de problème, la bouffe, c’est une seconde nature pour moi. Je ne sais pas ce qui ne va pas, j’ai tout, une femme qui m’aime, deux beaux enfants en santé, un job que j’ai choisi, mais le quotidien me bouffe tout cru. Thérèse vous demande de me remettre sur le piton. À mon retour, elle veut revoir le joyeux luron qu’elle côtoie depuis plus de vingt ans. Les gars, je crois que c’est la crise de la quarantaine. Richard, tu as de l’expérience en la matière, il va falloir que tu m’aides.

─ Je connais, on a l’impression qu’on n’a pas fait ce que l’on devait faire pour réussir et qu’en plus, on a plus le temps de se refaire. Le meilleur antidote, c’est de retrouver ses illusions et de se servir de cette période comme d’un tremplin. Les gars, ont est en mission!

On débarque vos bagages ou on reste sur le quai? Tu as emmené les objets pour le hangar? Je vais chercher le camion car tu as tout un bazar là-dedans.

─ Bonne idée.

Richard s’éloigne du quai, songeur, tandis que les vacanciers sortent leurs valises et leur équipement. Oubliée par tous, la chienne lève la tête, court vers Claude toute joyeuse, pose ses deux pattes avant sur les épaules de sa victime et l’embrasse sans hésiter sur la bouche pour ensuite le lécher avec ardeur. Richard rit de bon cœur et laisse l’élu à son triste sort.

Une fois les bagages déposés sur la galerie avant, les trois amis ne peuvent pas entrer car Tonnerre, le gros mâle, gronde devant la porte. Richard de retour, lance :

─ Tonnerre! Aux pieds! Je l’ai entrainé pour que personne ne puisse entrer dans la maison si je ne suis pas là! L’île est grande et j’habite seul depuis le décès de Colette.

Un brouillard sombre couvre son regard et une boule d’émotions lui serre la gorge. Un silence d’empathie souffle sur le groupe, car tous les hommes présents ne pourront jamais oublier Colette, morte il y a deux ans dans un accident de la route. Comme à chaque année, ils iront se recueillir sur sa tombe sous son arbre préféré.

Tout le groupe retourne au quai pour décharger les objets de Claude dans le camion.

─ On monte au hangar, pendant ce temps, installez-vous. La cache est prête, les barques sont attachées au quai du lac, tout l’équipement pour la pêche à la mouche accroché dans l’appentis arrière. J’amène les chiens avec moi. Tonnerre, Sky aux pieds!

J’oubliais, la bière est dans le frigo en arrière.

Le camion démarre, tandis que les deux lurons entrent dans le chalet.

─ Eh! On dépasse le hangar?

─ J’ai une proposition à te faire d’abord. Avec tout ce que tu as apporté, j’imagine que la réunion familiale a été terrible… J’ai quitté après avoir pris ce que ta mère m’avait heureusement légué par écrit. À chaque objet qui sortait de la maison, ta sœur faisait presque une syncope. C’est triste à dire, mais elle me donne mal au cœur, sa cupidité, son avarice n’ont d’égal que sa jalousie chronique. Son mari et elle font une paire redoutable. Tu n’as pas pu acheter une partie de la terre?

─ Non. Niet. Une chance que j’ai gardé toutes les factures, sinon elle raflait tout ce qui était à sa portée. Les filles ont même fait les tiroirs. Toutes nos boîtes étaient ouvertes, et Monique a dû fournir des factures pour chaque objet, même si mes sœurs n’avaient jamais vu les meubles ou les articles avant la venue de ma conjointe. Elle ne veut plus jamais les revoir. Ce qui s’est dit ce jour-là ne peut s’oublier. La famille peut être un havre de sécurité, mais chez moi, c’est plutôt un lieu de violence extrême.

─ Qu’est-ce qui est arrivé aux écrans solaires?

─ Je les ai fait démonter, ils sont entreposés en sécurité. J’ai toutes les factures prouvant qu’ils sont à moi. Ma sœur hurlait dans le salon quand son mari lui a annoncé qu’ils n’étaient plus là. Elle était convaincue que je ne pouvais pas les ôter avant la réunion. Tout était prêt pour le déménagement, mais elle a exigé qu’on paye un loyer pour chaque nuit passée à la maison après la rencontre. Monique a appelé son père qui a loué un camion le jour même, ses frères nous ont aidés et nous vivons dans un appartement d’un de ses blocs.

Le camion arrête sur un plateau rocheux d’où on peut apercevoir toute l’île en contrebas.

─ C’est mon endroit préféré. On y est tellement bien et la vue est à couper le souffle. Qu’est-ce qu’on fait ici?

─ J’ai une proposition à te faire. Depuis la mort de Colette, tout était en suspens, j’étais tellement blasé de la vie que plus rien ne comptait. Je viens souvent ici pour lui parler et il y a un mois, j’ai réalisé qu’en ne faisant rien, je trahissais nos rêves.

Nous nous connaissons depuis toujours, nous sommes des âmes sœurs. Colette avait une assurance-vie très importante et, comme elle est décédée dans un accident, j’ai les moyens de faire de cette île un petit coin de paradis, mais pas seul. Cousin, j’ai besoin d’un ami, d’un associé, d’un complice, d’une famille pour m’offrir un environnement qui pare le monde dans lequel je vis, d’un but, d’un intérêt renouvelé. Concrètement, j’aimerais que tu te construises une demeure sur une parcelle de terrain et que nous devenions associés dans un projet de pourvoirie. Je t’ai conduit ici, parce que j’aimerais t’offrir le plateau pour te construire. Monique est traductrice, elle peut travailler à la maison, je sais que vous aviez un plan de maison usinée, j’ai des amis Amish qui viendraient nous aider à monter la charpente gratuitement.

─ Et ton fils?

─ Il vit en Californie, il est venu aux funérailles, cela fait dix ans que nos relations se limitent à de courts courriels. Mes petits-enfants ne parlent même pas un mot de français. Non, tu es ma seule bouée… mais après ce que tu viens de vivre… on passera chez le notaire pour nous protéger de la famille, ça peut être rapace des enfants et des sœurs qui veulent ton bien. Tu restes?

─ À une condition.

─ Laquelle?

─ Je veux que tu me permettes de monter une meute avec les rejetons de Sky. Tonnerre est un mâle parfait. J’ai toujours rêvé d’avoir une meute, même si ici, tu n’as pas de prédateurs.

─ C’est d’accord. C’était dans mes projets, mais seul avec tout le reste, j’avais reporté l’accouplement aux calendes grecques. De plus, depuis l’hiver dernier, il y a un lynx qui vit sur l’île, je pense même qu’il s’agit d’un couple. Alors plusieurs chiens par maison, ce ne sera pas un luxe. Top là!

Richard, ému, se dirige vers le grand pin centenaire et s’agenouille devant la plaque mortuaire.

─ Par-delà la mort, pour toujours à toi mon amour.

Il se relève et remonte dans le camion.

─ Allons au hangar maintenant. Tu peux contacter Monique, vous pouvez venir vivre sur l’île, mieux vaut planifier notre aventure à trois.

─ Tu as raison.

Pendant ce temps, sur les berges de la rivière, deux pêcheurs, le gros cigare au bec, lancent leurs lignes avec contentement. Les vacances commencent enfin!

De retour au chalet, les deux complices sourient devant le spectacle, tandis que les deux chiens courent rejoindre les sportifs. Assis côte à côte sur le rivage sablonneux, ils offrent une image idyllique aux hommes sereins qui s’assoient sur les chaises de la galerie. Richard bourre sa pipe et, bientôt, quatre fumeurs paisibles boucanent à qui mieux mieux.

─ On monte au lac? C’est une journée pour la pêche. On pourra discuter de nos plans en toute tranquillité.

─ Bonne idée. Je suppose que tu as tout préparé pour le lunch.

─ Oui. Une journée sans tracas.

Les deux hommes se lèvent, Richard entre chercher l’équipement et la bouffe, tandis que Claude informe les pêcheurs du plan de match pour le reste de la journée. Tous sont d’accord. Le groupe se scinde en deux jusqu’au souper.

Le temps se traîne les pieds dans l’eau de la rivière sous un ciel bas tout gris qui s’étire langoureusement jusqu’aux grands arbres qui bordent la rive opposée. Un temps de canard, propice à la pêche et à la chasse. Les lignes volent avec grâce, au-dessus de l’onde sombre où un grand héron solitaire, immobile, traque patiemment son gibier aquatique. Deux loutres de rivière se reposent en amont et se roulent dans l’herbe pour sécher leur fourrure.

En haut, sur le lac, les deux compères appâtent leurs hameçons avec de gros vers. Sur la berge, sous la ramure des érables, une touffe blanche bondit dans les fourrés, pourchassée par un prédateur invisible dans les herbes hautes. Un lynx magnifique émerge et s’assit doucement pour observer les deux hommes fascinés par l’apparition.

─ Enfin, on se rencontre. Il est énorme et magnifique. Les pistes ne mentent jamais. Il y a trop de lièvres sur l’île, la population a explosé ce printemps, c’est ce qui l’a attiré. Lorsque les lièvres se font rares, ils ont tendance à quitter leurs terrains de chasse habituels et à se regrouper là où les proies sont abondantes. Ce sont de très bon nageurs, la rivière ne constitue pas un obstacle. J’espère seulement qu’il n’y en a qu’un.

─ C’est la première fois que j’en aperçois un.

Lentement, le félin se retourne et entre de nouveau dans les bois.

─ Heureusement le vent ne portait pas sa senteur, sinon les chiens auraient sauté à l’eau. Je suis content de l’avoir vu. J’aime bien savoir à qui j’ai affaire. Une bête dans la force de l’âge.

Deux colverts se lancent sur la surface lisse du lac en l’effleurant et sillonnent l’onde en deux lignes parallèles. Un silence merveilleux court sous la bruine et apaise nos deux compagnons. 

Le soleil est déjà bas lorsqu’ils nettoient leurs poissons et reviennent au chalet.

Sur le chemin du retour, ils aperçoivent une traînée de fumée grise annonçant un bon feu de bois dans la cheminée. En montant les marches, un fumet de bœuf bourguignon vient leur chatouiller les narines et on entend le rire de leurs amis qui ont déjà ouvert une bonne bouteille. En cette fin de journée, la tradition de ces rencontres amicales, vieille de plusieurs décennies, est plus qu’une habitude de longue date. Elle les rassure dans un monde précaire et incertain.

Après un copieux souper bien arrosé, tous s’attablent pour leur partie de poker qui est l’occasion de mettre à jour leurs potins.

Au petit matin, l’odeur du bacon réveille nos compères endormis et, tels des somnambules ils s’arrachent du lit pour réclamer leur portion de caféine.

Richard, devant le poêle à bois, retourne le bacon et met les toasts dans le tiroir du haut.

─ Un œuf, deux ou trois?

─ Deux!

Il prend une grosse tasse et se verse un café noire, fort à réveiller un mort.

Une heure plus tard, les trois amis sont installés dans la cache de chasse aux canards et scrutent le ciel gris sous un crachin froid annonçant une autre journée pluvieuse.

─ Trois gars dans une cache au milieu de nulle part, c’est être comme au confessionnal, Gilles, tu craches le premier!

─ Tu te souvient du gars de Matane que tu m’avais présenté?

─ Oui.

─ Figure-toi qu’il m’a offert un emploi et que j’ai accepté pour échapper à mon ex.

─ C’est une bonne nouvelle, tu vis depuis trop longtemps à proximité de Cruella. Tous tes amis ne venaient plus te voir à la maison car elle était trop toxique. Son sport national, c’était l’humiliation et sa devise, je, me, moi, sans compter les surprises de dernières minutes.

─ Quelles surprises?

─ À ton dernier souper de fête, une semaine plus tard, elle nous a tous rappelés à tour de rôle pour nous informer que nous lui devions quinze dollars du homard. Avec le cadeau et la bouteille de vin, ton souper nous a coûté plus de cent cinquante dollars. Annette était scandalisée, surtout que les accompagnements étaient achetés chez Costco. Elle m’a même rappelé que le dessert était en spécial, passé date, ça se goûtait. Après ça, tu étais sur la liste noire, avec raison. Le pire, c’est qu’elle a même chargé le repas à sa mère et à son frère.

─ Je l’ignorais, les gars, désolé.

─ Quand elle entre dans une pièce, tout le monde fige, on attend ses commentaires humiliants et ses critiques acerbes. Je n’oublierai jamais la fois où elle a dit à Annette devant tout le monde que tu étais comme le chien, tu bavais et branlais de la queue. On aurait pu entendre voler une mouche. Tout le monde a quitté les lieux en moins d’une demi-heure.

─ Comme elle pourrit ma relation avec les enfants depuis toujours, qu’elle traite ma nouvelle conjointe de maudite folle devant mon gars, nous allons partir en région. Je double mon salaire, le coût de la vie est beaucoup plus bas et on a trouvé un appartement à dix minutes de marche du bureau.

─ C’est triste à dire, mais déjà à cinq ans ta fille répétait ce qu’elle disait en boucle à longueur de journée. Quand elle a dit à ma fille que son père était un nono et que ta belle-mère a dit à Annette qu’elle était en avance pour son âge, elle n’a plus voulu que les enfants se côtoient.

─ Vous avez raison et je suis tellement soulagé de recommencer ailleurs, vous n’avez pas idée.

Au dehors, le ciel s’obscurcit et un grands nombre de colverts troue le ciel de la baie. Les chasseurs devenus silencieux visent et tirent. Les chiens sortent de la cache et vont chercher les canards abattus.

─ Assez parlé de moi. Tu sembles taciturne!

─ Les gars, je n’ai aucun problème, mon boulot va, routine, routine, ma femme est un ange, les enfants vont bien, pourtant je suis insatisfait.

Après plusieurs cartons fructueux et de nombreuses victimes toutes rapportées par les chiens, les trois gars silencieux prennent un repos bien mérité, tandis que les chiens font la sieste dans le fond, derrière les chasseurs.

Soudain, ayant l’impression d’être observé, Sylvain tourne la tête vers les fourrés et fige en constatant qu’un magnifique lynx assis dans le sapinage l’observe calmement, immobile.

Il saisit la main de Gilles en mettant son doigt sur sa bouche et, des yeux, lui intime de regarder vers la droite. Celui-ci écarquille les yeux, mais reste muet devant l’apparition. Il met un doigt dans sa bouche et vérifie la direction du vent. Les chiens ne peuvent pas le sentir!

 Il touche de sa large patte la cuisse de Sylvain qui en tournant la tête croisse le regard fascinant du félin.

Tétanisé sur place, les chasseurs n’osent pas bouger par crainte de s’empêtrer dans cet espace réduit où ils ont malheureusement déposé leurs armes hors de portée.

Sylvain est si prêt de l’animal qu’il entend sa respiration et, se sentant en danger, pense à ce qu’il a de plus précieux, sa femme et ses enfants. Comme le soleil qui se lève en illuminant l’aube grise, il sent une chaleur nouvelle l’envahir et esquisse un sourire que le quotidien avait embaumé sous la poussière des tracasseries et des miroirs aux alouettes de la consommation. Il se sent heureux tout simplement parce que l’espace des choix s’est réduit et qu’il ne lui reste qu’à profiter de la vie. Hypnotisé par le regard du prédateur, tous ses sens se réveillent, il entend le vent dans les feuilles des trembles, hume l’odeur épicée de la gomme de pin, admire les nuances de jaunes et de verts des yeux immenses du grand chat. Son pouls bat la chamade et l’androphile répandue dans tout son corps lui permet de se révéler à lui-même. Aussi soudainement qu’il était apparu, l’animal se lève et disparaît dans la forêt. Sylvain se calme et tout semble redevenu à la normal, mais il sait que la crise qu’il traversait est chose du passé. Comme si un courant de lumière avait lavé son mal de vivre.

─ Est-ce que j’ai rêvé ou est-ce qu’un lynx se tenait à tes côtés.

─ Tu n’as pas rêvé. Je suis très fatigué.

─ On rentre, les gars.

Tous sont d’accord et le trio embarque le gibier tué et les armes pendant que Claude appelle les chiens.

Richard, surpris de les revoir si tôt, reste perplexe quand ils lui racontent leur aventure. Le fantôme est apparu deux jours de suite et à deux endroits éloignés l’un de l’autre. Il commence à croire qu’il y a bien deux lynx.

Sylvain a besoin d’une sieste et les autres, ébranlés, préfèrent rester au camp. En fin d’après- midi, il prépare les canards.

L’atmosphère est détendue, la bière coule à flot et l’amitié est au rendez-vous.

─ Rien de tel qu’une fin de semaine entre amis pour accomplir des miracles. Tu m’as redonné le goût de vivre et en contrepartie j’ai réussi à transformer tes déboires en une opportunité inespérée. Tu as retrouvé ton sourire et, toi, tu vas commencer une nouvelle vie dans les parages. C’est comme si l’île était protégée par un bon génie.

Dehors, sous les étoiles, étendus sur deux grosses branches du pin centenaire de Colette, deux lynx observent attentivement la petite maison aux lumières jaunes en bas dans la vallée. Sur leur nouveau territoire de chasse, il y a beaucoup de lièvres, mais aussi des humains. Ils agissent comme les oiseaux migrateurs qui sont de passage. L’hiver qui vient apportera sans doute une réponse. L’île des Snow birds deviendra-t-elle l’île aux lynx? Seul l’avenir le dira.

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